MATHIEU MILJAVAC – Les Ailes du Désir
Mathieu Miljavac est plus qu’un simple artiste ayant trouvé dans la taxidermie un médium pour s’exprimer. Poète avant tout, il cache la sensibilité de ceux qui ressentent le monde avec...
Mathieu Miljavac est plus qu’un simple artiste ayant trouvé dans la taxidermie un médium pour s’exprimer. Poète avant tout, il cache la sensibilité de ceux qui ressentent le monde avec...
Mathieu Miljavac est plus qu’un simple artiste ayant trouvé dans la taxidermie un médium pour s’exprimer. Poète avant tout, il cache la sensibilité de ceux qui ressentent le monde avec intensité et mélancolie. Comme son oeuvre.
Ses oiseaux, tout droit sortis de rêves surnaturels où se mêlent le noir et la lumière, se révèlent des animaux fantastiques dans une perpétuelle ode au mouvement. Déployant leurs ailes démultipliées, nobles dans leurs mises en scène, ils évoquent le surnaturel, l’étrange, et la beauté simple et pure de la nature.
« La beauté réside dans le regard de celui qui la perçoit ». Comme Oscar Wilde, et d’autres avant lui, Mathieu Miljavac semble faire sienne, par son travail, la justesse de cet adage. Beauté cachée, elle demande à être apprivoisée pour se révéler toute entière, lumineuse.
Leclaireur: Vous avez commencé dans la mode…
Mathieu Miljavac : En sortant de l’école de stylisme, j’ai travaillé dans la mode, c’est vrai, occupant différents postes pendant plusieurs années. J’ai aussi été graphiste, j’ai travaillé dans l’événementiel, l’ornement floral même !
L: Comment un styliste décide-t-il de se mettre a la taxidermie ?
M : J’ai toujours aimé la taxidermie, depuis que je suis gamin. J’ai le souvenir d’une vielle chouette empaillée chez mes grands-parents, ça m’a toujours fasciné. Un jour je suis tombé sur un article dans un journal qui parlait de cette nouvelle génération d’artistes qui utilisent beaucoup la taxidermie. Je me revois encore avec le magazine : je n’entends plus rien autour de moi, c’est une révélation, je me suis dis que je devais faire ça. Cela dit, pour moi, il s’agit juste d’une technique, que j’utilise, qui me permet de montrer une beauté qu’on ne voit pas forcément, ni dans la taxidermie traditionnelle, ni dans les animaux que j’utilise. Je ne me considère pas vraiment comme un taxidermiste.
L: Quelle était la première pièce ?
M: Une mouette, en Ecosse. La naturalisation est tout à fait légale au Royaume-Uni, absolument pas en France. La première pièce que j’ai montée seul était un pigeon qui ressemblait plus à une poule qu’à un pigeon. C’est de là que je suis parti…
Je travaille énormément à partir du pigeon. Lorsque j’ai commencé la taxidermie, c’est le seul animal que j’ai trouvé. Je trouvais intéressant de travailler à partir d’un animal très ordinaire, auquel on ne porte que peu de considération, et de le détourner pour en faire un animal extraordinaire, afin de montrer une beauté qu’on ne voit pas forcément.
L : La taxidermie a parfois mauvaise presse, encore aujourd’hui. Notamment par rapport aux animaux.
M : On ne tue plus d’animaux pour les naturaliser. Il y a une réglementation extrêmement stricte, on ne peut absolument pas prélever un animal dans son habitat naturel, à l’état sauvage, pour le naturaliser.
Tous les animaux exotiques, ceux que l’on peut voir dans les boutiques ou dans les musées, proviennent d’élevages de zoos, où ils sont tous morts naturellement.
L : Comment avez-vous approché votre premier pigeon?
M : Je l’ai approché avec beaucoup d’appréhension. Je ne maitrisais absolument pas la technique au début, et le pigeon est un animal très difficile à travailler, à la peau très fine. Le premier m’a pris deux jours, au lieu d’un aujourd’hui, et le résultat était, honnêtement, discutable.
Ce qui me fascine chez les oiseaux, c’est le symbole de liberté qu’ils représentent. Et chez les pigeons en particulier, c’est que ce sont des animaux pour lesquels nous n’avons aucune considération. On les croise tous les jours dans la rue sans les regarder, alors qu’ils font partie de notre vie quotidienne. J’aime partir de cet élément de réalité très concret et le transformer complètement, comme un échappatoire à la réalité, une manière de la détourner pour en montrer un aspect qu’on ne voit pas d’habitude.
L : Comment reproduit-on le mouvement d’un oiseau ?
M : Je m’inspire beaucoup de la danse contemporaine. A chaque fois que je fais une grande installation, je visionne des spectacles de Pina Bausch ou de Trisha Brown. Ils sont une source d’inspiration constante. Je pars ensuite du mouvement de l’animal, j’étire les ailes au maximum, par exemple, pour créer un mouvement qui n’est pas nécessairement naturel mais qui va encore sublimer l’envol, et amplifier l’attitude naturelle de l’animal, portée à son paroxysme.
L : A quel moment dépasse-t-on l’étrange pour rejoindre le beau?
M: Il me semble que la limite se situe d’abord dans le respect de l’animal. Tant que l’on respecte l’animal, on est dans le beau. Le bizarre, l’étrange, apparaissent lorsqu’on cherche à prendre le pas sur l’animal, sur ce qu’il était, sur ce qu’il a vécu aussi. Là, ça peut devenir bizarre, et parfois dérangeant.
Si j’ajoute des ailes à un pigeon, c’est pour plusieurs raisons. Pour détourner la réalité davantage encore, d’abord. Et pour pouvoir décomposer le mouvement de l’animal, un peu comme ces photographies de Muybridge, sur un fond noir, qui découpent le mouvement d’oiseaux, d’humains, de chevaux… Rajouter des ailes me permet de décomposer le mouvement d’envol, du battement d’ailes, et d’apporter ainsi une autre dimension au mouvement naturel de l’animal.
L : En tant qu’artiste, des influences parmi d’autres artistes ?
M : Elles sont nombreuses, en particulier dans la danse contemporaine : Trisha Brown, Pina Bausch, Sidi Larbi Cherkaoui, Preljocaj également. Sur le plan pictural, Francis Bacon a su retranscrire à sa manière la violence du mouvement, dans ses personnages, dans ses portraits. Il y a une espèce de déconstruction du mouvement dans son travail qui me fascine. J’aime aussi sa façon d’ajouter un cadre aux choses. Je travaille sur les structures, ce qui s’est fait de façon inconsciente au départ, mais quand je regarde ses peintures, je perçois son influence. Et il y a la littérature, évidemment. Murakami, auteur que j’adore, a cette manière très subtile de passer de la réalité à un monde imaginaire. C’est une démarche qui me nourrit énormément.
L : Quelle est la signification de ces structures que vous évoquez, justement ?
M : A l’origine, l’idée était de détourner la cage, mais j’ai vite réalisé que ça allait bien au-delà de ce propos. J’ai beaucoup travaillé la soudure, les structures métalliques autour des corneilles notamment, et je me suis rendu compte en le faisant qu’il y avait là une vraie signification personnelle, de l’ordre de l’intime, presque psychanalytique, même si le mot est un peu fort.
La première fois que j’ai soudé une structure autour d’un corbeau, lorsque j’ai eu fini, j’ai cherché un nom. Le seul que j’ai trouvé était « Je fais comme si je ne voyais pas ». Tout à coup, j’ai compris. Il s’agissait d’une réponse directe à une situation émotionnelle que je traversais, et qui se manifestait dans mon travail.
L : Quelles sont les réactions devant votre travail ?
M : La taxidermie provoque des réactions assez fortes, il y a rarement un entre-deux. Passé le premier moment de stupeur, fréquent, les gens voient au-delà, par-delà le simple animal naturalisé. Mon bonheur tient à ça, à casser cet a priori, à emmener vers quelque chose de beau qui leur parle, qui les touche…
L: A quand remonte votre rencontre avec Leclaireur ?
M : J’étais étudiant en stylisme, il y a une bonne vingtaine d’années. Je me souviens avoir été emmené dans la boutique à St-Germain, c’était une révélation de voir les vêtements et la vision, celle qu’a Armand Hadida depuis le début, qu’il a su développer et maintenir. Vingt ans après, j’ai envoyé un mail à Leclaireur, parlant de mon travail. Nous avons étudié un projet ensemble, cette grande installation d’oiseaux noirs qui s’envolent en forme de tourbillon. Au départ, il y avait une envie de créer un projet spécifique pour Leclaireur, une envolée de cinquante oiseaux noirs, quelque chose d’assez sombre, pour l’espace de la rue Hérold. Je voulais quelque chose qui soit à la fois léger de par le mouvement, de par les oiseaux, mais angoissant également, tout en étant très beau. Ma collaboration avec Leclaireur était intéressante. Armand Hadida a montré les vêtements d’une façon complètement nouvelle et innovante, c’est ce que j’essaie de faire avec les pigeons.
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