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MARQUES ‘ ALMEIDA – Who’s That Girl ?

Marta Marques et Paulo Almeida se rencontrent sur les bancs de la fac, au Portugal et rejoignent les rangs londoniens de Central Saint Martins ensemble, avant de créer leur marque,...

Marta Marques et Paulo Almeida se rencontrent sur les bancs de la fac, au Portugal et rejoignent les rangs londoniens de Central Saint Martins ensemble, avant de créer leur marque, ensemble. Depuis quelques années déjà, Marques ’ Almeida fait tourner les têtes, dont celles de Leclaireur. Lorsque le duo prodigieux se voit décerner le prix LVMH en 2015 pour leur coup de ciseau instinctif, engagé et radical, c’est la consécration.

Marques ‘ Almeida aiment les tissus, et le denim en particulier, sous toutes ses formes. De la tête aux pieds, brut ou déstructuré, plissé, effiloché, sur des pantalons larges, des chemises, des robes, en volume… . Ils aiment les couleurs aussi, voyantes, flashy comme dans les années 90, l’inspiration principale de leurs créations.

Leclaireur n’a pas hésité à sauter dans l’Eurostar pour aller à leur rencontre.

 

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Leclaireur: Vous vous êtes rencontrés très jeunes…

Marta : C’était il y a presque 15 ans. Nous nous sommes rencontrés alors que nous entrions tout juste en école de mode.

Paulo : Le jour de la rentrée, d’ailleurs ! Nous allions commencer notre BA au Portugal, et nous ressentions tous les deux la même joie, celle de pouvoir enfin faire ce qui nous tenait vraiment à coeur. C’est notre folle obsession commune pour la mode qui nous a immédiatement liés.

 

L : Votre folle obsession pour la mode ?

P : Je voulais faire quelque chose de créatif, mais j’ai mis longtemps à comprendre que ma passion, mon moteur, ce serait la mode. J’ai un temps songé à devenir architecte, avant de comprendre que j’avais besoin d’un processus de création plus rapide.

M : Nous avons tous les deux grandi au Portugal. Et ça peut paraître cliché, mais j’ai passé beaucoup de temps avec ma grand-mère, qui était couturière. Je bricolais à ses côtés, avec des petits morceaux de tissus… ça a surement joué. Mais ce n’est qu’en arrivant à l’école que j’ai pris du recul et que mon obsession pour le sujet s’est affirmée.

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L : Vous avez ensuite déménagé à Londres…

M : Une fois diplômés, nous avons fait un stage au Portugal, tout en prenant vite conscience que pour tout créateur caressant l’espoir de changer le monde de la mode, Londres était the place to be ! Nous passions un temps fou à regarder tous les défilés. Londres, avec des shows comme Fashion East, savait mettre en avant des talents émergents comme Christopher Kane, Louise Gray, Richard Nicoll… Que des jeunes gens, sortant tous de Saint Martins. Londres représentait aussi l’opportunité de développer notre savoir, alors que le Portugal nous avait apporté des connaissances surtout techniques, orientées davantage vers le côté industriel des choses.

P : Nous avons décroché des stages à Londres. Preen était une de mes grandes références et j’ai été heureux de faire partie de leur équipe pendant un certain temps. Marta a passé six mois chez Vivienne Westwood. En entrant à la Saint Martins, nous ne savions pas vraiment à quoi nous attendre. Le MA là-bas s’est révélé être une expérience très intense. Non seulement elle nous a permis de définir notre identité en tant que stylistes, mais nous avons en plus été approchés par Lulu Kennedy de Fashion East, grâce à notre défilé de fin de cycle.

 

L : Quelle est la dynamique de votre collaboration ?

P : Ce que nous voulions, c’était développer nos forces individuelles autant que possible. A la fin de nos études, nous avons décidé que si nous devions monter notre marque ensemble, il fallait que nos potentiels respectifs soient explorés au maximum.

M : Nous avons certaines divergences, dans nos goûts, nos intérêts. Il nous fallait apprendre à travailler ensemble, apprendre à mêler des visions différentes de la mode et de la culture…

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L : Des divergences ? Lesquelles, par exemple ?

P : Je dirais que mon approche de la mode est éminemment masculine. Je suis très technique dans la façon que j’ai de transformer un mood en silhouette. C’est un processus très rationnel. Celui de Marta tourne plus autour de l’atmosphère elle-même, autour de l’histoire de la fille. Marta dit toujours “cette saison, la fille est comme ci, elle se rend là…” Je dois traduire tout ça en vêtements.

M : Exactement ! Tes recherches sont bien plus rationnelles que les miennes. Tu t’intéresses à la construction et à la réalisation des choses. Moi, je me concentre sur le visage de quelqu’un, ou sur la musique : des inspirations moins tangibles. Nous avons une façon de communiquer qui nous est propre, et qui me permet d’exprimer tout ça dans notre création. Ce processus nous plait énormément.

Tout commence par une balade à l’extérieur, un exploration du monde qui nous entoure. J’aime dénicher des images, écouter de la musique et regarder des documentaires, pendant que Paulo part acheter des montagnes de livres. A la fin tout se lie.

P : Les avis de notre équipe, qui a bien grandi ces cinq dernières années, nous sont aussi indispensables. C’est un travail d’assemblage collectif de pièces que j’essaie de connecter les unes aux autres. Notre processus, du moins nous l’espérons, transparaît dans la collection que le client découvre après.

 

L : Depuis le lancement de Marques ’ Almeida, on remarque une forte inspiration des années 90 dans votre travail. Cinq ans plus tard, est-ce toujours le cas ?

M : Bonne question ! C’était en effet, très, très présent au début. Beaucoup d’aspects de cette décennie nous ont poussés vers ce que nous faisons aujourd’hui.

P : Mais nous n’avons jamais essayé de recréer le look de cette période. C’est dans sa philosophie-même que nous nous retrouvions le plus.

M : Oui, il s’agit d’une influence plus éthique que visuelle. Et au final, l’essentiel, c’est toujours la fille. C’est ce que les années 90 nous ont appris. Parfois nos recherches finissent par n’être qu’une collection de visages, ce qui panique Paulo qui doit comprendre ce qu’ils représentent.

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L : Et donc, cette fille, qui est-elle ?

P : La fille peut être Kate Moss une saison, ou Frankie Rayder la saison suivante. Ou Sofia, notre amie portugaise…

M : Ou même une des filles du studio. Nous avons découvert que Londres était rempli de jeunes femmes qui commencent tout juste leurs carrières, qui sont occupées à lancer leurs propres trucs, le mieux possible. Les avoir autour de nous, c’est une chance immense.

 

L : L’année dernière a apporté beaucoup de changements, dans vos vêtements et votre entreprise…

M : Tout est allé tellement vite. Une année s’est déjà écoulée depuis la dernière saison. Ce qui me semble totalement surréaliste. Nous sommes maintenant une équipe de seize personnes ; il y a peu, nous n’étions encore que quatre. La société grandit. Nos moyens financiers aussi, ce qui nous permet de développer plus largement nos collections et notre processus. Pour autant, l’ambiance reste très familiale, et personnelle. C’est comme ça que nous aimons travailler.

P : Nous faisons de notre mieux pour résister à la pression. Nous voulons préserver l’âme de cette entreprise, et ce que nous avons accompli grâce à un travail acharné.

M : Mais nous permettons à la marque de grandir. Et plus elle grandit, plus nous aurons les moyens financiers pour réaliser des collections plus importantes, ce qui veut dire que nous pourrons produire nos propres défilés, et diffuser l’essence-même de Marques ’ Almeida.

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L : Quelle nouvelle obsession pourrait influencer les collections à venir ?

M : Actuellement, maintenir l’exigence que nous avons définie, et faire défiler – autant que possible – nos amies, plutôt que des mannequins, voilà mes obsessions. Il y a tellement de filles passionnantes autour de nous : des photographes, des journalistes, des actrices, des musiciens… Pendant longtemps ça n’a été que Paulo et moi, alors travailler avec ces personnes, voir ce qu’elles peuvent apporter, c’est extrêmement inspirant.

P : Notre plus grand luxe aujourd’hui, c’est de continuer à créer d’une manière qui nous permette d’être imprégnés de ceux qui nous entourent au quotidien. Il y a tellement de talents, juste là, ce serait terrible de les ignorer.

 

L : Et puis il y a Leclaireur…

M : Nous avons toujours beaucoup aimé leurs espaces. A chaque fois que nous étions à Paris, nous allions y faire un tour.

P : Cette fascination remonte à notre obsession initiale liée à la mode elle-même, pendant nos études. Nous avions dressé une liste des endroits qu’il nous fallait absolument visiter, et Leclaireur en faisait partie.

M : C’est une affaire familiale qui possède une identité forte. Deux choses qui résonnent très fort chez nous. Nous devons préserver l’esprit originel de la marque, et nous assurer que cet esprit se reflète dans tout ce que nous produisons. L’intuition reste un facteur principal. C’est notre philosophie. Il faut prendre des risques, expérimenter, et s’autoriser à échouer parfois.

P : Être vulnérable, ça peut être une bonne chose.

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