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THOM BROWNE – Dans l’Ordre, la Joie

Le temps d’une conversation, Thom Browne aborde avec Leclaireur son travail, et le pouvoir de l’uniformité. On imagine souvent les créatifs, les visionnaires, comme des êtres chaotiques. Thom Browne est...

Le temps d’une conversation, Thom Browne aborde avec Leclaireur son travail, et le pouvoir de l’uniformité.

On imagine souvent les créatifs, les visionnaires, comme des êtres chaotiques. Thom Browne est l’exception qui confirme la règle, alignant les éléments qui l’entourent dans un espace chorégraphié dont rien ne dépasse. Avec sa rigueur vivifiée par un esprit fantasque des plus raffinés, le travail de Browne s’adresse à ces individualistes sophistiqués appréciant la coupe maitrisée d’un costume, l’esprit en plus.

 

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Désormais aux portes du Panthéon des créateurs, Thom Browne a récemment coordonné une installation au Copper Hewitt Smithsonian à New York, avant de se voir honoré par le CFDA pour son travail sur le vestiaire masculin. L’aventure Thom Browne commence en 2001, alors qu’il n’arrivait pas « à ce que l’on s’y intéresse”, mais fort de son intention, de sa persévérance, et de sa vision si particulière, il est devenu l’un des précurseurs de la diversité au masculin telle qu’elle s’est développée au cours de ces dix dernières années. Rencontre avec le créateur (et son chien Hector) dans sa boutique de Hudson Street.

 

Disponible chez Leclaireur Boissy d'Anglas. Découvrez l’intégralité de la conversation ci-dessous.

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Leclaireur: Vous venez d’Allentown, une ville américaine plutôt industrielle. Comment grandit-on dans un tel milieu lorsqu’on aspire à la création ?

 

Thom Browne: En grandissant, je ne me voyais pas créateur de mode. Mes parents étaient tous deux avocats, nous étions sept enfants, notre quotidien c’était le sport et l’école… Devenir styliste n’était même pas une option. L’envie de créer s’est révélée après mon diplôme, je pense. Quand j’ai compris que ce qui me plaisait vraiment, c’était d’imaginer des vêtements.

 

L: C’est arrivé presque par accident…

 

T: Je vivais à Los Angeles. Et j’aimais m’amuser avec des vêtements vintage, c’est comme ça que je me suis initié. Ma carrière d’acteur ne décollait pas, j’y ai renoncé avant de rentrer à New York. J’ai commencé à travailler dans l’industrie de la mode, et c’est là que la révélation a vraiment eu lieu. Mes premières créations m’ont été confiées par Ralph Lauren chez Club Monaco, c’est là que j’ai appris les ficelles du métier, bien qu’à l’époque mon travail était aux antipodes de ce que j’aspirais à créer. J’ai lancé ma collection avec les cinq premiers costumes que j’ai réalisés.

 

L: Comment avez-vous décidé de sauter le pas et de vous lancer en solo ?

 

T: Je pense que je me suis mis à créer dans un monde qui ne m’offrait pas ce que je désirais, tout est parti de l’envie de créer des choses pour moi, avec le niveau d’exigence qui m’habitait – c’est-à-dire des vêtements réalisés à la main, avec des proportions qui me plaisaient et qui n’étaient pas celles de l’époque. Je n’y ai pas réfléchi plus que ça, mais c’est ainsi que j’ai créé les vestes plus courtes et ces pantalons si particuliers. Tout est venu d’un désir à assouvir. J’avais toujours voulu me lancer, mais j’ai vraiment commencé avec quelque chose de simple et de très personnel.

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L: Quand les gens pensent à la notion d’uniforme, ou d’uniformité, ils pensent d’abord aux institutions. Pour vous, le sens est différent, et vous abordez souvent la façon dont cela résonne avec votre personnalité.

 

T: Pour moi, c’est très lié à la collection, car j’aime les choses simples, organisées, régentées en quelque sorte. Les idées d’uniforme et d’uniformité m’intéressent car avec elles vient une nouvelle sorte de confiance en soi. Et je crois que celui qui choisit de porter un uniforme a confiance en lui. C’est dans cette confiance que se trouve la vraie notion d’individualité. Les gens uniques sont des gens confiants.

 

L: Et c’est cette individualité qui permet de s’amuser… Sans que ce soit calculé, comment incorporez-vous cette fougue dans vos créations ?

 

T: Je ne calcule jamais, clairement, mais tout est toujours réfléchi. Il y a une raison à tout, chez moi. Si, parfois, l’uniformité semble moins évidente dans une collection, elle réside au moins dans les idées classiques qui en sont les fondements. Les vêtements que portent mes employés, et vers lesquels je suis moi-même attiré, sont des pièces classiques et extrêmement bien réalisées. Et je pense que l’humour et les références parfois sombres que j’infuse dans mes collections ne font que soutenir ce savoir-faire.

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L: Vous utilisez des tissus aux qualités tactiles indéniables, qui invitent au toucher. Pouvez-vous nous dire comment vous les choisissez et comment ils vous inspirent ?

 

T: Je fais développer moi-même tous les tissus pour mes collections. Ils sont un élément majeur de ma création, et bien qu’ils diffèrent chaque saison, ils viennent toujours d’une conception classique. J’aime y infuser des idées qui vont les rendre plus actuels, non seulement pour mes collections, mais aussi pour mes clients, qui sont le plus souvent des personnes jeunes d’esprit. J’aime jouer avec les broderies, et il y a une usine près du Lac de Côme où je fais produire tous mes jacquards.

 

L: Au cours de la dernière décennie, le vestiaire masculin a connu beaucoup de transformations. Quelle est la vision de quelqu’un avec 15 ans de carrière sur ce qui se passe aujourd’hui ?

 

T: Je ne suis pas toujours ce qui se passe à l’instant T. J’aime me concentrer sur ce que j’aime, et il y a d’autres créateurs qui en savent bien plus sur les tendances actuelles. Je pense que ce que je fais est accueilli plus facilement aujourd’hui, notamment, pour la simple raison que je ne pouvais pas me permettre d’offrir quoi que ce soit gratuitement. Il y a depuis peu beaucoup plus de choix pour les hommes, et je ne sais pas si c’est forcément une bonne chose. Je pense qu’une sélection plus appliquée est préférable. Pour moi, créer bien, c’est présenter des idées intéressantes, en prenant garde que tout soit réalisé avec qualité.

 

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L: Vous travaillez avec Leclaireur depuis 3 ans.

 

T: Leclaireur fait partie des boutiques que j’avais en tête depuis le début. Même si, il faut bien l’avouer en tant qu’Américain, c’est un nom compliqué à prononcer ! J’aurais voulu pouvoir y être représenté depuis le début, ce sont des endroits iconiques qui savent représenter les collections qu’ils présentent, et dans lesquels tous les créateurs voudraient être vendus. Se retrouver dans leur sélection a un vrai sens, et je ne m’assieds jamais sur mes lauriers.

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L: En 2012, vous avez été reçu le Cooper Hewitt National Design Awards. Plus récemment, vous y avez présenté une installation.

 

T: C’est un honneur absolu. Il y quelque chose d’exceptionnel à être le premier créateur à se voir offrir une telle opportunité, et je voulais bien-sûr mettre en valeur leur collection. Alors nous sommes allés la découvrir sans idée préconçue de ce que je voulais créer.

Les deux miroirs du XVIIIème siècle sont immédiatement sortis du lot. Je venais de présenter une collection à grands renforts de jeux de miroirs, ça tombait donc à pic. Je voulais être certain de représenter ce que je fais en même temps que la collection du Smithsonian, alors je suis retourné à des éléments très importants de ma collection passée : le bureau revêtu d’argent, les chaussures en argent. C’est aussi comme ça que j’ai pu y intégrer mes idées d’uniformité et d’individualité. Je voulais que les gens voient leur reflet et soient capables d’avoir chacun leur propre expérience.

 

L: Quels furent les miroirs importants pour vous ?

 

T: Il y a un miroir de Jim Dine… J’ai commencé avec cette paire de miroirs classiques, mais d’une certaine façon je voulais qu’ils paraissent tous égaux, je voulais créer une expérience globale pour le visiteur.

 

L: Et vous, quand vous regardez dans le miroir, que voyez-vous ? Qui est Thom Browne ?

 

T: Voilà une question complexe… Je vois quelqu’un qui aime ce qu’il fait.

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