RABIH KAYROUZ – Le Théâtre de la Vie
Ils travaillent ensemble depuis que Maison Rabih Kayrouz a lancé sa toute première collection. Ils sont amis depuis des années. Leurs emplois du temps respectifs font de chaque moment partagé,...
Ils travaillent ensemble depuis que Maison Rabih Kayrouz a lancé sa toute première collection. Ils sont amis depuis des années. Leurs emplois du temps respectifs font de chaque moment partagé,...
Ils travaillent ensemble depuis que Maison Rabih Kayrouz a lancé sa toute première collection. Ils sont amis depuis des années. Leurs emplois du temps respectifs font de chaque moment partagé, un moment privilégié. Pour Leclaireur.com, Armand Hadida et Rabih Kayrouz abordent les sujets qui leur tiennent à coeur, comme le théâtre de la vie, la scène parisienne et les valeurs qu’ils partagent.
Armand Hadida: Tu as trouvé ta vocation très jeune, Rabih, n’est-ce pas… ?
Rabih Kayrouz: A l’âge de 11 ans. J’étais déterminé, je savais que je voulais faire des vêtements. Ce qui m’intéressait, ce n’était pas la mode à proprement parler. La mode se démode, on s’ennuie. Ce que j’aime, c’est le vêtement lui-même, la création, la fabrication, l’objet en soi. Le faire, le faire, le faire…
AH: C’est un peu mon histoire aussi. A 11 ans je démontais les moteurs de vélos Solex. Dans le jardin, tout était désossé; il fallait fabriquer, monter, réparer…
RK: Même quand j’étais petit, les jeux qui me faisaient envie étaient ceux où il fallait faire quelque chose. Les jeux de balle, par exemple, ne m’intéressaient pas, parce qu’on n’y fabrique rien. J’aimais les jeux où on était là, à crier, à cacher des choses dans des tiroirs, à monter des maisons, des Legos.
AH: Où se passait tout cela ?
RK: Au Liban, dans un village. On était en pleine période de guerre et Beyrouth était inaccessible. Je vivais donc dans un village, entouré d’une jolie famille, dans une espèce de clan protégé. Ce qui est drôle, c’est que j’ai connu Paris avant Beyrouth. J’avais 17 ans, sans la moindre expérience. C’est ici que je suis venu apprendre, c’est là que j’ai tout découvert, à commencer par mon métier.
AH: Paris, à travers ton regard, prend des allures de théâtre. C’est une qualité que tu cultives au quotidien. Ce lieu que tu as trouvé, dans lequel tu travailles, était même un ancien théâtre. Tu en as fait un lieu de vie, tu y organises des diners…
RK: Mais oui. « Paris est une fête », n’est-ce pas ? Observer les gens attablés en terrasse, allongés dans les parcs, ça fait partie de ce que je retrouve dans cette ville, et c’est ce qui m’inspire. Je ne me nourris pas seulement de livres, mais des gens aussi, de leur façon de marcher, de la manière qu’ils ont de bouger leurs épaules, leurs bras. Ces gestes-là m’en inspirent d’autres quand je fais le vêtement. Finalement, c’est un jeu. On se met dans la peau d’un acteur, dans celle d’une héroïne, et tout se joue.
AH: Comment envisages-tu Paris et son avenir, s’agissant de mode ?
RK: C’est la question récurrente, non ? L’avenir. Est-ce que Paris est toujours la capitale, est-ce qu’elle le demeurera ? Est-il possible qu’un jour la magie n’opère plus ?
RK: Paris est un lieu magique en soi, pas seulement pour la mode. Le bon vin est en France, le bon fromage est en France, on mange bien, on vit bien, ce que l’on voit est beau, une promenade suffit à nourrir l’inspiration. La mode a sa place ici, parce que c’est ici, avant tout, que ses conditions sont les mieux réunies. Quand l’artisanat répond à la création, c’est la meilleure alchimie. Ces deux éléments existent ici et c’est ce qui attire le monde entier. Je ne vois pas comment cette essence-là pourrait disparaître.
AH: Aujourd’hui, tes vêtements sont portés dans toutes les capitales. La collection Rabih Kayrouz est représentée partout, elle a son succès. Comment envisages-tu l’étape prochaine ? Tes prochains projets ?
RK: Je suis un insatisfait. J’ai une quête, qui me pousse vers un vêtement, vers une garde-robe. Je trouve qu’elle n’est pas complète encore. Je poursuis donc cette quête de la garde-robe qui me hante, et que j’ai envie de développer de plus en plus…
AH: Tu fais références aux chaussures, aux accessoires ?
RK: Il y a d’abord le vêtement lui-même. Les accessoires ensuite, certainement, comme les objets qui complèteront cette collection : les chaussures, la maroquinerie… Ce que je recherche, c’est une marque que l’on porte et dont on ne puisse pas se séparer.
AH: A quoi ressemble ta journée idéale ?
RK: Il y a un temps où je rêve, où je me balade, où je ne dessine pas. J’absorbe comme une éponge, j’emmagasine des images, des couleurs, des volumes dans ma tête. Ça peut être à Paris, ou à travers le hublot d’un avion à suivre des yeux les nuages ou le soleil, pendant quatre heures de vol.
AH: Tu aime passionnément la musique. Quelle place prend-elle dans ton travail ?
RK: J’en écoute peu quand je travaille. La musique, pour moi, c’est les gens, c’est l’atelier, parce que j’adore y travailler. C’est là que la création commence, quand je prends un morceau de tissu et que je commence à le manipuler, quand j’oeuvre avec mes modélistes, quand j’essaie le vêtement. L’atelier, c’est du direct, où tout prend forme… Il y a d’abord mon geste, puis celui de la personne qui va porter le vêtement.
AH: En reconnaissance d’un travail fourni à la création, à la mode, le Ministère de la Culture t’a nommé Chevalier des arts et des lettres. Te voilà aujourd’hui Officier. Comment toi, Libanais et Parisien, as-tu accueilli cette marque de reconnaissance ?
RK: Je ne saurais dire combien de temps j’ai pleuré lorsque j’ai reçu le coup de fil m’annonçant cette jolie nouvelle. Je n’y croyais pas. C’était très touchant, parce qu’après tout, je fais mon travail, et je le fais de tout mon coeur. Je ne m’attends pas à une reconnaissance parce que je fais mon travail. Je le fais pour moi, ma maison, mon équipe : je le prends comme un devoir. Ce fut donc un évènement émouvant, sans doute parce que je ne suis pas Français, justement. J’ai reçu une éducation française, dans une école française au Liban, mais j’ai toujours conservé une sorte de regard extérieur sur ce pays qui respecte les gens, qui les reconnait, qui les accueille. J’ai toujours été fier d’être Libanais. Cette annonce, évidemment, m’a donné envie de rester en France, d’être Français, même ! C’est le respect, pas seulement de l’homme, mais celui de son travail, de son métier, aussi, qui m’ont beaucoup touché.
AH: Quels conseils aurais-tu à partager, toi l’aîné, avec les jeunes créateurs qui se lancent, au bout de quatre ans d’études ?
RK: Dans le milieu de la mode, les aspects financier, stratégique et marketing sont une réalité, comme dans de nombreux métiers de création. Ma seule recommandation, c’est de respecter cette réalité, de la prendre en compte, parce que c’est elle qui nous permet d’en vivre, mais ne pas compter que sur elle, de ne pas oublier que la création, c’est de l’émotion avant et après tout, qui doit vraiment sortir des tripes. La clé de la réussite, ce n’est pas de suivre un plan tout tracé. Le plan doit suivre.
AH: C’est donc la seule chose avec laquelle on ne puisse négocier…
RK: Exactement. Le plan doit nous suivre. Monter dans un train et être emmené, soit. Encore faut-il indiquer la destination. Aujourd’hui, dans la création, on oublie de prendre le temps, de réfléchir, de se concentrer, de savoir où l’on veut aller. Mon seul conseil : sortez vos tripes, suivez votre coeur, dites-nous où vous voulez aller. Qu’on vous y emmène.
AH: En parlant de destination… quels sont les endroits à Paris qui te servent de petite source d’inspiration, qui déclenchent un peu d’émotion ?
RK: Pour moi, les moments sont liés aux gens. Il y a un proverbe chez nous : « le paradis sans personne est un désert ». J’aime les gens. J’aime les fêtes. Les plus beaux moments sont ceux que je partage, comme ici, ou chez vous. j’aime l’invitation elle-même. Etre invité, être celui qui invite. Ce sont des moments importants. Et se promener aussi. J’adore me balader à Paris, traverser les ponts, au coucher ou au lever du soleil. Lorsque l’on traverse un pont, tout à coup, avec les reflets, il y a toujours deux lumières différentes à découvrir : celle d’un départ et celle d’une arrivée.
Maison Rabih Kayrouz est disponible chez Leclaireur Boissy d'Anglas.
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